Wednesday, March 04, 2009

Le rat et le lapin

Pierre Bergé et la Chine se livrent à un véritable bras de fer pour décider qui gardera les fameux bronzes chinois. Si Pékin revendique l'appartenance de ces têtes de rat et de lapin, volées au pays au XIXe siècle, Pierre Bergé ne l'entend pas de cette oreille. Récit d'une bataille acharnée et chaotique remportée pour l'instant par Pierre Bergé. Marie Desnos - Parismatch.com * * * * Pierre Bergé veille à son grain. Depuis que la Chine a fait savoir son intention de récupérer les bronzes chinois dérobés lors du ‘sac du palais d’été’ au XIXe siècle, l’homme d’affaires et collectionneur Pierre Bergé a bien fait comprendre qu’il n’en était pas question. Il l’a réaffirmé lundi, alors que le Chinois acquéreur de ses deux pièces d’exception a avoué qu’il ne pouvait, ni ne comptait, payer son dû. En cas de non paiement des têtes de rat et de lapin, "je les garderai chez moi. Elles y étaient, elles y retourneront, et nous continuerons à vivre ensemble elles et moi", a déclaré Pierre Bergé sur France Info. Le matin même, le collectionneur chinois qui avait remporté –anonymement et par téléphone- la vente aux enchères de ces bronzes lors de la dispersion de la collection Yves Saint Laurent-Bergé organisée par Christie’s au Grand Palais, avait mis au jour son subterfuge patriotique. "Je pense que tout Chinois se serait levé à ce moment. L'occasion s'est simplement présentée à moi. Je n'ai fait qu'endosser pleinement mes responsabilités", avait déclaré Cai Mingchao, conseiller pour une fondation chinoise spécialisée dans la récupération d'œuvres ou d'objets d'art pillés, dans un bref communiqué lu pendant une conférence de presse. Echange statuettes contre droits de l’Homme Un rebondissement pas si surprenant aux yeux de Pierre Bergé, qui a estimé sur France Info que les autorités chinoises "auraient fait n'importe quoi pour essayer de récupérer ces pièces" et imagine donc "qu'ils ont fait pression sur l'acquéreur éventuel". Ce que Pékin dément bien sûr formellement. Face à la requête chinoise, Pierre Bergé avait dans un premier temps proposé un pacte pour le moins audacieux et original : il acceptait de rendre les pièces controversées à Pékin si cette dernière reconnaissait les droits de l’Homme. Un dilemme évidemment rejeté par les autorités chinoises, qui ont rétorqué par une action en justice et des menaces visant la pérennité des activités de la maison Christie's dans leur pays. A noter d’ailleurs la réaction intéressante de l’agence de presse officielle de la République populaire de Chine. Celle-ci a d’abord rappelé que la "Chine et la France ont toutes deux signé la Convention d'Unidroit sur les biens culturels volés ou illicitement exportés de 1995, selon laquelle tous les biens culturels volés ou perdus à cause de la guerre doivent être restitués sans délais à leur pays d'origine". Elle a ensuite recueilli l’avis d’un historien et journaliste français hostile à la réaction française. Selon Bernard Briza, auteur du livre "1860 : le sac du Palais d'Eté", "il est stupide d'établir un lien entre la restitution d'antiquités chinoises et les droits de l'Homme et le Tibet". "Je n'aime pas les comportements de M. Bergé et je comprends bien la colère des Chinois", a poursuivi Bernard Brisay dans une interview à Xinhua. Elles avaient été cédées pour 28 millions d’euros Et de rapporter les propos du porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Ma Zhaoxu : "La vente des deux antiquités viole les conventions internationales et blessera sérieusement le sentiment national du peuple chinois." Finalement, l'Association pour la protection de l'art chinois en Europe (Apace), basée à Paris, avait déposé au tribunal des grandes instances de Paris un référé pour réclamer la suspension de la vente. Mais la justice française l’a déboutée. Ces têtes d’animaux faisaient partie d'une fontaine érigée sous la dynastie des Qing (1644-1911) dans le Palais d'Eté de Pékin. Elles ont été volées quand le palais de l'empereur Qianlong (XVIIe siècle) fut incendié et pillé par les troupes franco-britanniques dans la Seconde guerre de l'Opium en 1860. Elles avaient été cédées à Cai Mingchao pour 28 millions d'euros, soit 10 millions de plus que ce qui était espéré. Au bout du compte, et quelle que soit l’issue finale de différend, il n’a fait qu’attiser les tensions déjà bien présentes entre la France et la Chine depuis le soulèvement tibétain fin 2007 et les Jeux olympiques de l’été dernier. Point final

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